LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

1815 ● Les fédérés en Côte-d’Or

 Le mouvement fédéré eut en Côte-d’Or un réel et durable succès. Le 2 mai 1815, le chef de bataillon Escard lance l’appel aux Bourguignons « dévoués à l’honneur, à la patrie et à l’Empereur ». Les fédérés rassemblent tous ceux qui sont hostiles à l’Ancien Régime, les déçus de la première Restauration qui n’a pas aboli les droits réunis, et bien entendu les acquéreurs de biens nationaux, sans oublier les aubergistes privés de la clientèle dominicale. Le mouvement peut s’appuyer sur les autorités publiques toutes favorables à l’Empereur, Ney ayant remplacé les royalistes. À la tête de la 18e division militaire, le général Veaux, ancien compagnon d’armes de Napoléon, ne ménage pas sa peine. La préfecture, avec Royer, et la mairie, avec Hernoux, sont aussi dirigées par des bonapartistes. Les tribunaux n’ont pas été épurés lors de la Première restauration et, en particulier, à la Cour d’appel siègent encore des Jacobins notoires, tels le premier président Larcher et le conseiller Buvée ; les rares juges royalistes restent prudemment chez eux. Le journaliste Carion leur ouvre généreusement les pages du Journal de la Côte-d’Or. Le recteur de l’Académie, Pierre Jacotot, ne cache pas son adhésion au mouvement fédéré ; quant à Jean-Baptiste-Victor Proudhon, le doyen de la Faculté de droit, s’il prétendra avoir refusé de s’inscrire au rang des fédérés, pour l’heure, il laisse ses étudiants promener le buste de l’Empereur. Il n’est pas jusqu’à Mgr Reymond, qui mal vu des royalistes, se sente proche des libéraux. Dans la proclamation du 7 mai, on peut lire : « l’objet de cette confédération est de consacrer tous ces moyens à la propagation des principes libéraux […], de soutenir l’esprit public […], de maintenir la sûreté publique […], de déjouer les complots contre la liberté, nos constitutions et l’Empereur. La confédération est seulement un moyen d’unir plus particulièrement les amis de la patrie, de la liberté et de l’Empereur. »

Mais, le temps presse et l’organisation militaire des fédérés passe bien avant leur action civile. Ils excitent l’enthousiasme des officiers et des soldats rappelés à l’activité. La Côte-d’Or se signale par la rapidité avec laquelle l’effectif demandé de gardes nationaux fut fourni au complet. Quant au corps franc de Pelletier de Chambure, il suscita un grand engouement : plus de 500 fantassins et 50 cavaliers se portèrent volontaires ; ils ne furent que 107 lors du départ pour Belfort. Après Waterloo, la fédération se dissout sans bruit, les chefs s’enfuient, mais son esprit libéral survit ; l’élection des députés libéraux Hernoux et Chauvelin, ainsi que l’acquittement des meneurs aux assises, en est la preuve. – CD

Paul Viard, « Les fédérés de la Côte-d’Or en 1815 », Revue de Bourgogne, 1916, p. 23-39.