Yan PEI-MING, un maître dijonnais de la peinture gestuelle

Commission des arts et lettres

Yan Pei-Ming -qui se fait appeler MING- est un peintre chinois venu très jeune à Dijon pour faire des études à l’École Nationale des Beaux-Arts. En quittant la Chine, et ne parlant pas un mot de français, il emporte avec lui un livre sur l’art chinois, un sur l’art occidental et « le rouge et le noir » de Stendhal. Ces livres sont très importants pour lui car il désire avant tout « devenir un artiste ».

Quand il arrive en France, tout de suite après ses études au lycée de Shanghai et sans avoir aucune formation artistique, sa première visite est pour le Centre Pompidou. C’est un choc en raison du décalage entre la culture dans laquelle il a jusqu’alors vécu et celle où il se trouve immergé du jour au lendemain. Il commence par peindre en bichromie, noir et blanc ou rouge et blanc.

La notion d’originalité n’a pas de place dans l’esthétique chinoise, c’est pourquoi MING nous propose une peinture qui se réfère à tout notre patrimoine et dans le même temps introduit des références qui ne nous sont pas familières mais que, pourtant, nous pouvons interpréter.

Pour lui, la peinture est le médium le plus simple : on a juste besoin de châssis, de toile, de couleurs et de brosses. C’est le minimum de moyens pour le maximum d’effets.

MING est un grand artiste, reconnu comme l’un des peintres les plus prolifiques de sa génération, hors des courants, qui expose dans le monde entier mais qui reste très attaché à sa ville d’accueil : Dijon. Il est l’un des plus influents représentants des artistes chinois contemporains établis à l’étranger. De nombreux musées et galeries d’art veulent l’exposer ; les collectionneurs le recherchent. Mais malgré sa notoriété, c’est un homme discret, affable avec qui la relation s’établit très vite et se prolonge dans des discussions empreintes de gentillesse et de délicatesse. Cela ne l’empêche pas d’avoir des convictions et de défendre son attachement à la liberté.

On compte ainsi plus de soixante expositions personnelles et la participation à plus d’une centaine d’expositions collectives. En 2009, il est l’un des premiers artistes vivants à être invité à exposer au Louvre.

Il utilise la peinture à l’huile, technique impensable pour les artistes de son pays d’origine, et de grands formats, avec lesquels il se sent beaucoup plus à l’aise. Il insiste sur l’importance du processus même de la peinture dans son travail : au lieu de peindre au sens traditionnel du terme, il affronte la toile et l’attaque à coups de pinceaux agressifs. L’espace, l’énergie, le mouvement, l’intuition, l’impulsion, le geste restent des composantes essentielles de sa peinture.

Le portrait a toujours été son sujet de prédilection ; déjà en Chine il faisait des portraits d’ouvriers, de paysans car c’est un sujet éternel. Il s’agit là d’un remarquable travail sur l’individu. On sent fortement une présence, centrée uniquement sur le visage puisque les corps sont absents, sans aucune analyse psychologique -l’expression est plutôt neutre- avec un aspect figé. L’enjeu des portraits d’après modèle est alors de recréer l’identité d’un visage, d’une individualité. La séance de pose est à ce titre, un moment privilégié. Coupé du monde dans l’atelier, le modèle perd alors la plupart de ses expressions. Il est presque vrai. Sur la production de MING -près de cinq mille œuvres- plus de la moitié sont des portraits. Ce sont des autoportraits, des portraits de son père, de ses amis, de ses proches, d’hommes célèbres, d’inconnus, des portraits imaginaires.

MING est d’abord le peintre du noir et blanc car pour lui le noir et blanc donne une autre vision de l’univers et il ne voit pas ce que pourrait lui apporter la couleur. Il n’en éprouve donc aucune nécessité. On verra par la suite qu’il l’introduira. Le bleu sera beaucoup utilisé.

MING ne peint pas que des portraits. Les sujets qu’il aborde sont extrêmement divers : animaux, oiseaux, événements, objets courants, et aussi des paysages. Il invente même la notion de « paysage international ». Il s’agit pour lui, d’un lieu neutre, ou plutôt un non lieu. On peut imaginer qu’il se situe en Bourgogne, ou bien en Finlande, ou à Hong Kong, selon ses propres mots. C’est d’ailleurs pour cela que tous ses paysages n’ont pas de sujet.

Le rêve : c’est le tableau que MING a donné récemment au musée des beaux-arts de Dijon. Il s’agit d’un tableau de petit format représentant une forêt sombre avec une lumière lointaine, créant du mystère. C’est une forêt anonyme, on ne peut pas la situer. MING n’aime pas donner un lieu ou un espace précis car il a toujours rêvé d’un lieu idéal dans un sous-bois ou une forêt. La couleur bleue qui est très présente a un effet apaisant.

Avec MING, qui se veut artiste engagé, nous sommes aux antipodes de Bertrand LAVIER pour qui, un artiste qui prétend changer le monde ou même seulement avoir une influence sur la société par son seul art, est un prétentieux, car selon lui, l’art n’a jamais changé quoi que ce soit. Deux artistes contemporains, de la même génération, qui se connaissent bien, qui travaillent sur le même territoire, reconnus internationalement, qui ont deux approches de la portée de leur travail. Ce constat est très intéressant. Leur histoire personnelle et leur trajectoire sont certainement à l’origine de cette divergence d’opinion.

Peut-on classer MING dans le courant des expressionnistes comme ont pu le faire certains critiques d’art. Je ne le pense pas car si l’ Expressionnisme (quelle que soit son époque) désigne la couleur comme élément essentiel et décisif pour exprimer sens et émotions, le rejet qu’en fait MING le place même à l’opposé. En fait, il provoque une tension entre son travail et ce que nous attendons de la peinture. Il a su trouver un style inimitable, reconnaissable immédiatement.

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