LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1811 ● Passages de Stendhal en Bourgogne

Partant pour l’Italie à la fin du mois d’août 1811, Stendhal traversa la Bourgogne et le Jura : il nota des observations et dessina des croquis que les érudits ont retrouvés dans Le Rouge et le Noir. En 1838, il publia les Mémoires d’un touriste, heureux amalgame de sources et de souvenirs, probablement rédigés à la suite de la tournée d’inspection de Prosper Mérimée qu’il avait accompagné l’année précédente, avec une étape à La Charité-sur-Loire. Il avait commencé un Voyage de France, mais son éditeur refusa le manuscrit qui fut édité après sa mort.

« Tonnerre, le 31 août 1811, 9 heures et demie

« Nous avons dîné à Saint-Florentin, où nous avons trouvé des filles d’auberge presque sauvages. […] De Saint-Florentin à Tonnerre, le pays devient moins plat. Les vignes sont belles, mais les coteaux nus et pierreux. […] Le soir, nous sommes allés nous baigner dans un petit bain champêtre, plein de naturel aussi, au-delà d’une mauvaise prairie qui est au pied de Tonnerre. […] Tonnerre est contre un coteau exposé au nord. La campagne n’a rien de remarquable. Mais il me semble que les habitants d’une petite ville française contre un coteau doivent être moins petits et moins sots que ceux de la même petite ville située en plaine. […]

« Saint-Seine, le 31 août 1811

« J’ai assisté dans tous ses détails au lever del grand pianeta [de la grande planète]. Nous sommes sortis à trois heures de Tonnerre par un beau ciel bien étoilé. J’ai cru distinguer une comète. […] Le pays a pris un peu de mouvement et enfin nous sommes arrivés à Montbard. Nous avons trouvé le portrait de Buffon chez notre hôtesse. Une fille nous a conduits au vieux jardinier de Buffon. [ …] Cet homme a été dix-sept ans avec Buffon. Il a vu Jean-Jacques se mettre à genoux sur la porte du cabinet A où Buffon travaillait dans le silence. Il arrivait à cinq heures et quart au plus tard ; on lui apportait à onze un pain et une carafe d’eau. Il déjeunait, descendait à une heure précise pour dîner, ne disait rien à ses convives, remontait, travaillait jusqu’à cinq heures, moment auquel on venait le chercher, et il se délassait en bavardant avec ses convives. Ses jardiniers avaient soin de balayer sur son passage. […] Buffon venait en mai et partait en septembre. Ses terres voisines de Montbard lui rapportaient environ 40.000 francs. J’étais ému, j’aurais voulu rester plus longtemps. Cette sévérité de travail is a leçon for myself. […]

« De Montbard, on grimpe sur une plaine aride, élevée, pleine de pierres. On monte et on descend beaucoup. On passe près des sources de la Seine et on arrive à Saint-Seine, où j’écris ceci à deux heures un quart après un bon souper, servi par des filles bien faites, auxquelles je fais beaucoup d’attention, par suite de mon goût inné pour les filles d’auberge. […] ».

Stendhal, la Bourgogne, les musées, le patrimoine : actes du colloque réuni à Dijon et à Chalon-sur-Saône les 19, 20 et 21 janv. 1995, éd. Francis Claudon, Moncalieri (Italie), Centro interuniversitario di ricerche sul "Viaggio in Italia", 1997, 254 p., ill. (Bibliothèque Stendhal, 1).