Le 13 août 1669, sous l’égide de Colbert, paraît une ordonnance du roi « sur le fait des eaux et forêts ». Celles-ci devront « produire avec abondance au public tous les avantages qu’il en peut espérer soit pour les commodités de la vie privée, soit pour les nécessités de la guerre ou enfin pour l’ornement de la paix et accroissement du commerce ». Ce texte prend une importance particulière en Bourgogne, province dont la forêt de feuillus couvre plus de 30% de la superficie. Le roi dispose d’environ 50 000 arpents (plus de 13 000 autour de Châtillon, 7 000 en plaine de Saône). Le clergé possède 90 000 arpents, partagés entre les grandes abbayes (Cîteaux, 8 000 ; Saint-Seine, plus de 10 000). Les propriétaires privés, disposant de centaines d’arpents, sont issus de la noblesse d’épée, comme les Saulx-Tavannes, ou de robe, comme les Fyot en Bresse. Ils voisinent avec une foule de petits propriétaires (65% ont moins de 50 arpents) et les communautés laïques. L’ensemble présente vers 1650 un état de désolation dû à une mauvais gestion facilitant les abus de toutes sortes tant habituels, des riverains usagers, qu’occasionnels, liés aux conflits (Fronde, guerre de Trente ans).
En 1661-1662, Colbert entreprend une « Réformation » des forêts, confiée à Claude Bouchu, intendant depuis 1654, avec, comme adjoint, René de Mauroys, d’origine champenoise.
Cette tâche s’ajoute à la vérification des dettes des communautés et des droits des usagers. En 1667, Bouchu propose au ministère un règlement général de police qui réorganise l’administration forestière et ne fait pas une place particulière aux Bourguignons. Le premier grand maître, en effet, ne donne pas le bon exemple : Guillaume Perrault, né à Chalon-sur-Saône, en 1638, est suspendu en 1690, puis interdit en 1714 pour malversations. Après lui, le seul Bourguignon est Philibert Durand d’Auxy, également Chalonnais, grand maître de 1714 à 1748.
Dans les maîtrises particulières, seules les familles Niépce dans les années 1740-1760 à Chalon, Prinstet à Dijon, dans la 1ère moitié du XVIIIe s. font une tentative de mainmise sur les offices, sans succès puisqu’aucune dynastie ne se met en place. Pourtant, les officiers, plus juristes que techniciens, les gardes mal payés, insultés, roués de coups voire tués et/ou complices des perturbateurs, ne progressent que lentement dans l’aménagement des forêts qui doivent faire face à une demande croissante : augmentation des besoins locaux des civils ruraux ou citadins, de l’industrie (la métallurgie), mais aussi du commerce interprovincial envoyant de plus en plus de bois vers Lyon et Paris, réquisitions de l’armée et surtout de la marine royales, tout concourt à retarder l’application de l’ordonnance. Les résultats diffèrent considérablement de ceux espérés par Colbert, obtenus dans un environnement hostile avec l’opposition des communautés rurales, la pression urbaine, celle du clergé qui entend rester maître chez lui. Un siècle plus tard, malgré de nombreux arrêts du Conseil complémentaires, le pouvoir royal échoue partiellement ici ; après la Révolution, il faudra attendre 1827 et le code forestier pour envisager une nouvelle « réformation ».
Ordonnance de Louis XIV… nouv. éd. Compagnie des Libraires associés, 1776 ; - Michel Devèze, La grande Réformation des forêts sous Colbert, 1661 [sic]-1680, Nancy, 1962, 291 p. (thèse Paris, 1954).