« Dieu l’avait douée du cœur le plus tendre et le plus charitable, de l’âme la plus élevée. Elle fut, pour les agréments de l’esprit, pour le charme de ses talents, par l’étendue du savoir, une des femmes les plus illustres de son temps ». Voilà l’épitaphe encore lisible sur le tombeau de Victorine de Chastenay, dans l’église de son village natal, à Essarois, au cœur de la forêt châtillonnaise. Si l’essentiel de ses ouvrages savants, nourris d’innombrables lectures et d’une profonde et multiple curiosité, à la mode des intellectuelles cultivées du XVIIIe siècle, est tombé dans l’oubli, tels les quatre volumes de son Génie des peuples anciens, ou tableau historique et littéraire du développement de l’esprit humain chez les peuples anciens, depuis les premiers temps connus jusqu’au commencement de l’ère chrétienne, ou son charmant Calendrier de Flore où elle herborise à la façon de Rousseau, ce qui demeure de cette femme curieuse de tout et ouverte à tout, soit à Paris durant la Restauration, reçue à la cour de Louis-Philippe, soit dans son château d’Essarois, dont elle est la bonne Dame, généreuse et libérale, ce sont ses Mémoires, dont elle dit : « Je n’écris pas l’Histoire, mais si je remplis mes intentions, j’aurai peut-être écrit pour l’Histoire. »
Victorine de Chastenay, qui descend d’une très ancienne noblesse de moins en moins fortunée, nous fait vivre ses jours heureux sous l’Ancien Régime, ses angoisses durant la Révolution et la Terreur où elle fut incarcérée, ses réussites mondaines aux Tuileries, à Saint-Cloud, ses craintes renouvelées par l’évolution du règne de Napoléon, sa joie au retour des Bourbons… Ses Mémoires font vivre de très beaux portraits, ceux de Bonaparte, Talleyrand, Fouché, Barras… ainsi que les épisodes de la Terreur en Bourgogne… C’est la peinture d’une époque tourmentée et d’une femme intelligente et sensible. Elle meurt en 1855, dans son château d’Essarois, dans l’affliction générale. Ses Mémoires publiés en 1896, ont bénéficié d’une excellente édition datée de 2009. – ML
Victorine de Chastenay, « Deux révolutions pour une seule vie », Mémoires (1771-1885), Raymond Trousson, Tallandier, 2009, 891 p. (« La Bibliothèque d’Évelyne Lever »).