LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

1615 ● Naissance de Jacques Carpentier de Marigny, libertin

Descendant d’une lignée de maîtres de forge, marchands de fer et d’acier neversois, cadet de six enfants, Jacques Carpentier de Marigny est né à Nevers le 4 octobre 1615 et a été baptisé le même jour à l’église Saint-Jean, parrainé par son oncle Jacques Carpentier, procureur au bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtiers, et sa tante Barbe Roux. Il fit sans doute de solides études d’humanités classiques latines et grecques, sanctionnées, peut-être, par des grades universitaires, selon M. Gérin, qui situe vers 1637 l’élégie À Maître Adam, Menuisier de Nevers, sur ses Chevilles que Marigny a composée pour son ami Adam Billault qui l’a mise en tête de ses Chevilles. Protégé de la princesse Louise-Marie de Gonzague, il se rendit à Mantoue, y restant jusqu’au décès du duc Charles en septembre 1637. De là, il alla à Rome où il rencontra l’abbé de Gondi, futur cardinal de Retz. Il revint à Paris et s’y mêla au milieu littéraire, s’acoquinant avec Scarron, avec qui il fréquenta les auberges, y composant des satires.

Secrétaire du marquis de Sablé près l’Assemblée de Münster, début 1644, il le quitta pour se rendre en Suède où sa pratique de l’espagnol et de l’italien, ses talents à composer des vers en firent un favori de la reine Christine. À la suite d’intrigues, il quitta la Suède en février 1646 avec une confortable dotation de la reine, mais il s’en vengera en composant « une satire affreuse et abominable contre elle », où il ne craignit pas de détailler l’anatomie de la reine, et qui sera interdite d’édition ! Malgré sa charge de « gentilhomme ordinaire de la chambre du Roy et maistre ordinaire de son hostel » officialisée en novembre 1646, Marigny se rapprocha de Gondi qui commençait à comploter et intégra son équipe de faiseurs de chansons et libelles satyriques, ballades et triolets caustiques contre les Mazarin, les « mazarinades » qui le rendront célèbre, à partir du 13 mai 1648 et pendant toute l’année 1649. Réfugié à Nevers, il se rangea après octobre 1651 dans la suite de la troupe de Condé et de Conti qui s’expatria à Bordeaux. Sur les bonnes grâces de Bussy-Rabutin et du prince de Conti, il fut pourvu en commande du prieuré de Cessy-les-Bois, de 2000 livres de rapport, succédant à l’oncle de Bussy, et en fit prendre possession le 2 juillet 1651.

De retour à Paris, il se rapprocha de Condé et composa des libelles en tous genres souvent cruels contre Mazarin, restant, comme Condé, dans l’opposition à la fin de la Fronde des Princes en juillet 1653. Poursuivi par les autorités, il se réfugia en Flandres, y produisant des œuvres assez libertines et se faisant octroyer le titre de baronnet d’Angleterre. Il remplit ensuite de nombreuses missions à l’étranger pour le compte de Condé, lui envoyant des courriers partiellement cryptés, une habitude qu’il va garder en assistant en 1657 à la diète de Francfort, rendant à Condé un compte scrupuleux des tractations entre princes et grands électeurs allemands dans des lettres largement chiffrées. Revenu à Paris, il renoua avec Gondi, devenu cardinal de Retz, exilé à Commercy, où il fit de nombreux séjours. Le 16 août 1669, il rédigea (en quatre exemplaires !) un testament olographe, faisant des donations et pensions conséquentes à sa « bonne et fidèle servante » Marguerite de Valan et surtout à sa fille Antoinette Marie, dont il était sans doute plus que le parrain ! Il envoya une dernière lettre désabusée à Bussy-Rabutin le 4 mars 1672 et semble avoir alors subi une attaque qui l’obligea à l’achat d’une « chaise de malade ». Il sera emporté par un ultime épisode, peut-être d’apoplexie , le 26 janvier 1673 dans la « grande chambre » de son domicile de la rue des Tournelles à Paris, pleuré par son amie Mme de Sévigné. Son inventaire après décès nous le montre vivant à l’aise dans cette demeure de trois étages entre cour et jardin confortablement meublée, avec carrosse et domesticité. – AB

 

Marius Gérin, « Jacques Carpentier de Marigny, chansonnier de la Fronde, poète et prosateur nivernais », Mémoires de la Société académique du Nivernais, 22, 1920, p. 1-114.