Gaston Roupnel naît le 23 septembre 1871 à Laissey (Doubs) où son père est chef de gare. Il sera bientôt nommé à Gevrey-Chambertin, devenant le village d’adoption du jeune garçon. Celui-ci poursuit de belles études à l’école primaire de Gevrey, au lycée et à la faculté des lettres de Dijon, puis en Sorbonne. Il manque l’agrégation d’histoire et géographie, devenant professeur à Saint-Étienne, Épinal, Douai, au Prytanée militaire de La Flèche, à Grenoble puis Dijon, enseignant au lycée Carnot à partir de 1910. Entre-temps il a épousé à 36 ans la fille d’un vigneron à Gevrey, Suzanne Bizot, âgée de 24 ans. Ils auront un fils, Louis (1908-1937).
En 1910 encore, il devient un romancier bientôt célèbre. Grâce à Nono, « roman audacieusement provincial » selon Romain Rolland qui va publier Colas Breugnon. Deux portraits du Bourguignon, mais si différents ! Autant Colas respire le bonheur de vivre, autant Nono pauvre vigneron à Gevrey respire le malheur… En fait, le naturalisme rural emplit alors les rayons des libraires et quand on décide du Prix Goncourt 1910 justement, Louis Pergaud (De Goupil à Margot) l’emporte par 6 voix contre 4 pour Nono. Une défaite honorable qui apporte soudain à Roupnel une notoriété importante. La Dépêche de Toulouse, ce grand journal radical de province le choisit comme éditorialiste de 1916 à 1924.
Nono inspire un curieux phénomène. Si le livre est réédité jusqu’à nos jours, le lit-on ? Ce personnage va devenir l’archétype du vigneron respirant le bonheur de vivre et de partager sa joie, alors qu’il respire en réalité le malheur, l’alcoolisme et la désespérance ! Roupnel publie Le Vieux Garain en 1913, roman également inspiré par la Côte de Nuits mais beaucoup plus agréable à parcourir. Il travaille aussi à sa thèse La Ville et la campagne au XVIIe siècle – études sur les populations du Pays dijonnais, soutenue en Sorbonne avec succès le 26 avril 1922. Puis se déroule une vie de professeur à la faculté des lettres de Dijon (une chaire créée pour lui : Histoire, littérature et patois bourguignons ; et aussi de vigneron occasionnel mais scrupuleux à Gevrey-Chambertin où il possède de beaux pieds de vigne – présidant même le Syndicat du Chambertin.
Retour au régionalisme : Hé ! Vivant ! recueil de nouvelles chez Stock (1927). Il prend part au mouvement qui magnifie la Bourgogne et la rend fort utile (déprimé, le marché du vin s’envole) durant les années 1930 avec la naissance de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin : La Bourgogne – types et coutumes (Horizons de France, 1936).
C’est alors que Roupnel devient l’âme même du chant bourguignon, – ce qu’Henri Vincenot deviendra cinquante ans plus tard. Il publie en 1932 son Histoire de la campagne française, ouvrage très novateur, quelque peu imaginaire et lyrique mais qui, comme l’écrit alors Lucien Febvre, emprunte toutes sortes de clés pour entrer en géographie, s’appuyant de façon inédite, devenue moderne, sur le paysage. Roupnel se tourne vers la philosophie : Siloë chez Grasset (1927), puis pour cet éditeur La Nouvelle Siloë (1945), ouvrages dédiés aux morts de ses proches (son fils malade se suicide en 1937). Il est proche de l’abbaye de Cîteaux, médite Teilhard de Chardin. C’est encore chez Grasset Histoire et destin (1943) qui lui vaut une réputation « vichyste » qu’aucune compromission ne justifie. Quand il meurt le 14 mai 1946, il tient dans sa poche ce texte qu’il vient d’écrire : une Histoire de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Chevalier de la Légion d’honneur, il était membre résidant de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon depuis 1923. – JFB
Philip Whalen, Gaston Roupnel, âme paysanne et sciences humaines, Éd. Univ. Dijon, 2002, 202 p., ill. ; – Philippe Poirrier et Annie Bleton-Ruget, dir., Le temps des sciences humaines : Gaston Roupnel et les années trente, Le Manuscrit, 2006, 278 p.