LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1119 ● Le pape Calixte II à Saulieu

En décembre 1119, venant de Paris et Saint-Denis et en route pour Cluny, le nouveau pape Calixte II, élu en février, fait halte à Saulieu juste avant la Noël. De nom, le pontife est bourguignon, mais il s’agit de la Bourgogne comtale, outre-Saône, qui est politiquement un autre monde que la Bourgogne ducale relevant du royaume de France. En outre, la carrière ecclésiastique du futur pape s’est déroulée à Vienne, là encore face à d’autres horizons. Il n’est donc pas en Morvan « sur ses terres ».

La bibliographie consacrée à la belle église romane de Saulieu, jusqu’à nos jours, utilise souvent la date de 1119 pour la consécration de l’édifice. C’est une erreur grossière, mais qui a la vie dure. Les historiens de l’art ont montré de longue date que le chantier sédélocien dépend de celui de la cathédrale d’Autun, et ne peut donc pas remonter plus haut que le deuxième quart du XIIe siècle. Qu’a fait alors Calixte II à Saulieu ? Au mieux, il a présidé à une élévation des reliques de saint Andoche et de ses compagnons : pratique tout à fait banale pour relancer un peu un culte local quand on avait la chance d’avoir un dignitaire sous la main. Encore aimerait-on que la chose soit plus solidement documentée. Elle est en tout cas, tout au plus, un signe précurseur d’une construction à venir, sans lien direct avec le chantier.

Lors du même séjour, Calixte aurait confirmé par une bulle la Charte de charité réglant les rapports entre les maisons de la nouvelle mouvance centrée sur Cîteaux. Telle est en tout cas la doxa de l’historiographie cistercienne, qui voit presque dans l’épisode sédélocien une naissance officielle de l’ordre. Il faut ici aussi en rabattre. Les doutes sur l’existence même d’un acte pontifical pour Cîteaux n’ont généralement pas été accueillis par les érudits, malgré l’absence de pièce originale et les parallèles entre la bulle Ad hoc in apostoli et un acte beaucoup plus modeste de Calixte pour l’abbaye de Bonnevaux. Mais point n’est besoin de réfuter l’existence du document pour en revoir à la baisse l’interprétation. Le texte est des plus vagues, et il a tout l’aspect d’une confirmation de complaisance accordée par un pontife de passage à un abbé du voisinage venu le saluer, indépendamment de tout examen canonique serré. La constitucio approuvée à Saulieu a probablement un sens très général, et ne présuppose nullement la présentation au pape de ce que l’on appellera plus tard Carta caritatis. Diplomatiquement, il s’agit d’un non-événement.

À vrai dire, le principal intérêt des faits de 1119 est historiographique : on mesure combien, surtout en une zone documentairement déshéritée, une brève halte utilitaire sans conséquences a pu représenter une aubaine pour les chroniqueurs, qui la surinvestissent depuis neuf cents ans…

Robert, Bullaire du pape Calixte II : essai de restitution, t. I, Picard, 1891 ; - Jean Dupont, La basilique Saint-Andoche de Saulieu, Gaud, 1968, 40 p., ill.