LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1912 ● Décès d’Eugène Beauvois, érudit

Étonnante figure, injustement oubliée, que celle de Pierre-Eugène Beauvois, l’un des ancêtres de l’anthropologie à la française, que l’on a pu qualifier de « Dumézil du XIXe siècle ». Né le 20 février 1835 à Corberon (Côte-d’Or) d’une « vieille famille de propriétaires fonciers », après de premières études au Lycée de Dijon, il partit faire son droit à Paris, mais le séjour dans la capitale lui fut surtout l’occasion d’exercer son prodigieux don pour les langues en apprenant plusieurs idiomes rares, à commencer par les langues anciennes et modernes de la Scandinavie. Le monde nordique est en effet la première et la plus constante des passions de Beauvois. Que ce soit au hasard d’une étude sur Chamilly, seigneur de Corberon et ambassadeur au Danemark, ou au fil d’une interrogation bien plus fondamentale sur le peuplement burgonde, tout ramenait l’érudit aux solitudes glacées du Burgundarholm, en pensée tout du moins, car il établit sa résidence et sa riche bibliothèque au village de son enfance, dont il fut un temps maire et où il mourut le 15 juin 1912. Extrêmement intuitif, anticipateur sans aucune forfanterie, Beauvois ne voulut pas s’en tenir à une histoire étriquée des migrations et des invasions. Il porta son intérêt sur « les peuples, les races, leur langage, leur culture morale et religieuse », ouvrant la voie à l’analyse linguistique et mythologique des civilisations lointaines. Étranger aux conformismes du goût, il défendit la valeur des sagas du Nord, n’hésitant pas à les égaler aux poèmes homériques. Persuadé de la découverte viking du continent américain, il suivit ses héros au Nouveau-Monde et se fit pour l’occasion américaniste ! Pour nous, il reste l’un des travailleurs les plus importants du XIXe siècle au champ de l’histoire burgonde. Son œuvre considérable, composée à la fois de contributions originales publiées dans les revues les plus variées et de nombreuses traductions, gagnerait à coup sûr à être redécouverte.

Bernard Bouley, "Un Bourguignon en Kabylie : Eugène Beauvois", Mémoires / Société d'archéologie de Beaune, t. 74, 1993, p. 84-90 ; - Alain Rauwel, " Die Burgunden in Burgund : von Chaume zu Thomasset ", Die Burgunder : Ethnogenese und Assimilation eines Volkes, Worms, 2008, p. 379-393 ; - Hervé Mouillebouche, "À propos du fonds Eugène Beauvois ", Revue d’histoire nordique, 2007, p. 241-251 (bibliogr.).