LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1771 ● Décès de Théodore Chevignard de Chavigny, diplomate

Né le 2 avril 1687 à Beaune, Théodore Chevignard eut une jeunesse mouvementée : son père, procureur du roi à Beaune et secrétaire du prince de Condé, le plaça avec son frère aîné chez les jésuites du collège de Clermont à Paris, mais sous des noms et titres usurpés. Brillants sujets, les frères de « Chavigny-le-Roy » surent faire fructifier la supercherie, l’aîné comme gendarme de la garde du roi (1708), le cadet comme abbé de l’abbaye de Bellefontaine (1709) – nomination qui ulcéra les concurrents éconduits et les conduisit à éclaircir l’origine des deux « fripons ». Louis XIV les condamna aussitôt à l’exil et ils s’enfuirent en Hollande, où ils connurent la misère jusqu’à l’arrivée des négociateurs du traité d’Utrecht, qui agréèrent leur offre de services et les employèrent comme agents secrets (1712). Théodore devint bientôt l’un des informateurs privilégiés du marquis de Torcy, ministre des Affaires étrangères.

Dès la mort du roi (1715), les deux frères se hâtèrent de regagner Paris et d’assiéger leurs relations de la veille et de l’avant-veille. Philibert obtint une charge de président à mortier au parlement de Besançon, Théodore fréquenta l’éphémère académie politique créée par Louis XIV pour former les diplomates et se vit confier des missions secrètes en Angleterre par l’abbé Dubois, ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre, qui l’envoya ensuite officiellement en Italie et en Espagne. Ministre plénipotentiaire en Allemagne, à Londres et à Copenhague, puis ambassadeur à Lisbonne (1740), Venise (1750) et Soleure (1752), Théodore, devenu gouverneur de Beaune (1737) et comte de Toulongeon (1757), s’acquit la réputation d’être « un des plus habiles négociateurs de l’Europe » (Montbarey) et « le plus grand politique de la France » (Richelieu).

Entre 1737 et 1747, à chaque vacance ministérielle, son nom revint avec insistance dans les cafés et les salons comme futur ministre des Affaires étrangères, dont on disait, selon les rapports de police, que « sa capacité suppléera à sa naissance ». Toutefois, ses rivaux serinaient en écho son sulfureux passé : ce poste lui échappa, mais sera confié en 1774 à son neveu et disciple Charles Gravier de Vergennes (1719-1787), qui l’illustrera avec brio. Chavigny ignora cet épilogue : il s’éteignit à Paris le 26 février 1771, après s’être retiré du corps diplomatique au terme d’un demi-siècle de négociations (1762). – BC

 

 

Bernard Chevignard, « La Naissance et le Mérite. Quelques réflexions sur un cas beaunois, Théodore Chevignard de Chavigny (1687-1771) », Recueil des travaux du Centre beaunois d’études historiques, t. 24, 2006, p. 77-104, ill.