LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1820 ● Décès de Mme de Saint-Julien, amie de Voltaire

Née en 1729 à La Tour du Pin, devenue par son mariage Madame de Saint-Julien, Anne-Madeleine-Louise-Charlotte de la Tour du Pin est l’une des femmes que connaît le mieux Voltaire et qui l’accompagnera tout au long de sa vie. C’est à elle, son « papillon philosophe », qu’il écrit en 1778 : « Vous sentez bien que je n’ai jamais pu adopter d’autre projet que celui de vous être attaché à jamais.» Elle avait épousé, à l’âge de 25 ans, M. de Saint-Julien, receveur général du clergé, propriétaire du château de Fontaine-Française qu’il vient de faire reconstruire. Aussi Voltaire a-t-il été souvent l’hôte du château tandis que son amie lui rendant visite à Ferney où elle se fit construire une maison pour être proche du « châtelain » ; elle y séjourne fréquemment ; elle a même gagné un prix de tir à l’arquebuse en 1775. C’est encore elle, vêtue « d’un cotillon simple et en souliers plats » qui reçoit Madame de Genlis en visite chez le « vieux hibou » de Ferney.

Pour Jean Orieux, elle avait une place de choix dans l’amitié de Voltaire : « elle était faite du bois dont sont faits les élus qui ont séduit Voltaire tout au long de sa vie. » Vive, enjouée, sportive, infatigable, elle chassait, montait à cheval. Elle aidait le philosophe dans ses entreprises, par exemple à placer ses dentelles et ses montres en employant tous ses amis et relations. Mais elle était aussi une femme de lettres, savait parler de littérature et des sujets à la mode.

Le 13 mai 1778, à Paris, elle trouva mauvaise mine à Voltaire et lui retira le philtre qui était en train de le tuer ; il mourut quelques jours plus tard. Elle demeura de plus en plus à Fontaine-Française où elle invita Madame de Staël qui y commença son roman Corinne. Ce fut elle qui fit graver sur la fontaine du château un vers de la Henriade sur un socle où l’on plaça les bustes d’Henri IV et de Louis XVIII, alors régnant, avec les inscriptions suivantes : « Il fut de ses sujets le vainqueur et le père / Il est de ses sujets le sauveur et le père. » Madame de Saint-Julien présida la cérémonie à laquelle participait un escadron de chevau-légers ; elle officia avec une truelle d’or. Le château porte toujours les armes des Saint-Julien et des La Tour du Pin.

Voltaire n’hésitait pas à utiliser son amitié pour obtenir l’appui de son frère, le marquis de Gouvernet alors commandant en chef (« Monsieur le Commandant de la province aime trop Madame sa sœur pour souffrir que son protégé qui n’a que la peau sur les os meure de froid aux fêtes de Noël à l’extrémité du royaume de France », lettre du 20 déc. 1771).

Elle s’éteignit le 9 mai 1820 à Paris, loin de la pièce d’eau qui fait l’ornement du beau parc du « château des Dames ».

Jean Orieux, Voltaire ou la royauté de l’esprit, Flammarion, 1966, 829 p. ; - Voltaire, Correspondance, éd. Th. Bestermann, Gallimard, 2-13, 1978-1993 (« Bibl. de la Pléiade ») ; - Jean-Daniel Candaux, Érica Deuber-Pauli , dir., Voltaire chez lui : Genève et Ferney, Skira, 1994, 262 p. ; - Henri IV à Fontaine-Française à travers la littérature locale, Société hist. et tourist. de la région de Fontaine-Française, 2010, 234 p.