LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1816 ● Décès de Guyton de Morveau, une gloire de l’Académie

Né à Dijon le 4 janvier 1737, Louis-Bernard Guyton de Morveau est une personnalité complexe mais essentielle pour l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. Il lui donnera un rayonnement absolument unique en Europe. Aussi cette compagnie célèbrera-t-elle les 4 et 5 novembre 2016 le bicentenaire de sa mort.

Le jeune Guyton fait ses études au Collège des Godrans puis à la faculté de droit de Dijon. Son père lui achète la charge d’avocat-général en 1762. Quelque peu polémiste, il entre en 1764 à l’Académie de Dijon avec « Le rat iconoclaste ou le jésuite croqué » et il fait paraître un Mémoire sur l’éducation ; Guyton de Morveau est déjà alors reconnu comme un chef de file du développement de l’éducation en France. Parallèlement, il va s’intéresser à la chimie faisant des expériences dans sa maison de la place Saint-Jean. Il fait paraître en 1772 ses Digressions académiques  où il expose ses premières idées sur le phlogistique et la cristallisation. Il analyse un grand nombre de minerais de fer : savants et industriels viennent auprès de lui chercher des conseils. En 1773, il met au point son procédé de désinfection par le chlore pour débarrasser la cathédrale Saint-Étienne de Dijon, la Nef aujourd’hui, des vapeurs pestilentielles liées aux cadavres retenus en la cathédrale par suite du sol gelé au cimetière. Cette même année, Guyton de Morveau met en place l’achat de l’hôtel de l’Académie : « maison à équipage, situé en cette ville sur le Pont Arnaud », l’hôtel Despringles. Il observe que le tonnerre est tombé sur le faîte d’une maison de Dijon et fait un dessin montrant le trajet de la foudre ; il devient un spécialiste reconnu de la foudre. Il souhaite à Dijon un cours de chimie et présente le 17 novembre 1774, un mémoire pour la création d’un cours public de chimie dans le cadre de l’Académie des sciences arts et belles-lettres de Dijon ; ce cours est approuvé par les états de Bourgogne. Il abandonne sa charge d’avocat général et se consacre à la chimie. En 1780, son laboratoire privé est devenu l’un de plus beaux de France et Arthur Young en fera une description. Il y réalise la liquéfaction du gaz ammoniac par action d’un mélange réfrigérant (glace et chlorure de calcium), participe à la rédaction de L’Encyclopédie méthodique et il établit un nécessaire chimique sous forme de trois boîtes de la grosseur d’un livre, afin d’avoir sous la main les réactifs pour les réactions chimiques.

À cette même époque, il prend en main la construction à Dijon du premier ballon « dirigé » de l’Académie de Dijon. Le 12 Juin 1784, à 7 heures du matin, Guyton de Morveau et M. de Virely s’envolent des Argentières pour le second vol dijonnais, après le premier qui avait emporté Guyton et l’abbé Bertrand le 25 avril. Il embarque pour ce vol des appareils scientifiques. On parle de Guyton comme du premier chimiste de France. Dijon et son Académie rayonnent en Europe grâce à la chimie : entre 1748 et 1758, seulement quatre mémoires sont lus, quatorze entre 1759 et 1770 et 226 entre 1771 et 1793. Le langage universel proposé en 1782 fait son chemin et en 1786, il publie le premier volume du Dictionnaire de Chimie de l’Encyclopédie Méthodique. En 1787 avec Lavoisier, Berthollet et Fourcroy, il fixe la nomenclature chimique. Le 2 mai, il présente son travail à l’Académie des Sciences, parle pour la première fois d’hydrogène et abandonne le phlogistique. En 1787 il écrit le Mémoire sur le développement des principes chimiques et invente de nombreux mots comme azote, tungstène, arséniate etc.

Guyton quitte Dijon pour Paris. Il participe activement à la Révolution française, devenant député de la Côte-d’Or à l’Assemblée Législative, à la Convention, puis président du Comité de Salut Public. Il va faire une carrière nationale mais abandonne rapidement la politique pour se consacrer uniquement aux sciences appliquées, à l’économie et à la guerre. Il participe à l’organisation des moyens de défense et notamment du service d’aérostation se rappelant ses expériences dijonnaises. Il publie aussi un Mémoire sur l’Instruction publique en 1794 qui contient des propositions détaillées pour la création de collèges dans chaque province. Il est nommé professeur de chimie (substances minérales) à la nouvelle École centrale des travaux publics qui deviendra l’École polytechnique ; il le restera jusqu’en 1811 après en avoir été aussi le directeur pendant quelques années. Napoléon le nomme administrateur des monnaies et baron en 1811.

Il avait épousé son amie de toujours, Mme Picardet, en 1798 ; elle faisait de nombreuses traductions scientifiques car Dijon mettait en français des contributions scientifiques en latin, italien, anglais, allemand et suédois ; à l’inverse, ces « Messieurs » de Dijon, dont Mme Picardet, traduisaient dans ces langues quelques travaux du royaume et les diffusaient.

Durant toute sa vie, Guyton continuera ses études de chimie ; ses travaux sont très nombreux et des plus divers : fabrication des verres, de la porcelaine, recherches sur les ciments, exploitation des mines de charbon, combustion du diamant, études du cuivre, du mercure, du zinc, des peintures notamment du blanc de zinc avec Courtois le découvreur de l’iode.

Il imagine aussi des appareils : pyromètre, aréomètre à volume constant pour déterminer la densité des minéraux et des monnaies etc. Il meurt à Paris le 2 janvier 1816.

Bouchard, Georges. Guyton-Morveau, chimiste et conventionnel (1737-1816). Paris : Librairie académique Perrin, 1938. 368p.