LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

515 ● Fondation du monastère d’Agaune par Sigismond

Il n’est sans doute pas de lieu plus attaché, sur la très longue durée, à la mémoire de Bourgogne que le sanctuaire de saint Maurice à Agaune, dans l’actuel canton suisse du Valais. La tradition hagiographique y place le martyre, à la fin du IIIe siècle, de l’officier Maurice et de tous les soldats de la prestigieuse Légion thébaine, par fidélité à leur Dieu. Un culte est attesté de façon très précoce, non seulement par les textes, mais surtout par l’archéologie, une fouille exhaustive aux résultats spectaculaires ayant été menée ces dernières années. C’est donc en un lieu de pèlerinage déjà bien connu que le roi burgonde Sigismond, à l’automne 515, fonde une communauté monastique. Il y instaure la laus perennis, louange divine perpétuelle au service de laquelle les moines se relaient : une pratique destinée à une longue et riche postérité. Après son assassinat, Sigismond est inhumé à Agaune et son culte est uni à celui des Thébains.

Toutes les constructions politiques se revendiquant de la Burgondie ont, très logiquement, fait fond sur les cultes mauriciens, qu’il s’agisse de Boson ou, plus encore, des rois rodolphiens qui ont assuré, de la fin du IXe au début du XIe siècle, la pérennité d’un royaume de Bourgogne entre Jura et Alpes. Ils avaient à Agaune leur résidence, en Maurice leur patron. Dans le riche trésor de l’abbaye était gardée la lance du martyr, que revendiquèrent les rois de Germanie au Xe siècle : par elle, la mémoire thébaine gagna Magdebourg et l’Empire. La « sainte lance » venue d’Agaune est encore aujourd’hui conservée à la Schatzkammer de Vienne.

De manière moins spectaculaire, la Bourgogne ducale resta aussi fidèle au patronage de saint Maurice. Les reliques du saint et de ses compagnons étaient notamment très présentes à la cathédrale de Sens.

C’est son vocable que l’évêque Grégoire de Langres choisit, au début du VIe siècle, pour la basilique construite sur le tombeau du martyr dijonnais Bénigne, tout comme le roi Gontran s’inspira du modèle d’Agaune pour sa fondation chalonnaise de Saint-Marcel. Et les religieux du Valais avaient à Semur-en-Auxois, au moins au XIe siècle, un prieuré dépendant. Se perpétuait ainsi, des deux côtés de la Saône, l’attachement des premiers unificateurs de la Burgundia à un saint guerrier bien propre à entretenir l’idéal de sainteté royale cher à Robert Folz.- AR

 

Autour de saint Maurice : actes du colloque « Politique, société et construction identitaire : autour de saint Maurice », Besançon et Saint-Maurice, 29 sept. – 2 oct. 2009, textes réunis par Nicole Brocard, Françoise Vannotti et Anne Wagner, Besançon – Saint-Maurice, 2011, 522 p. ; - L’abbaye de Saint-Maurice d’Agaune (515-2015) : 1. Histoire et archéologie, dir. Bernard Andenmatten et Laurent Ripart ; 2. Le trésor, dir. Pierre Alain Mariaux, Agaune, à paraître en 2015 ; - programme du millénaire : www.abbaye1500.ch