LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1761 ● Élections à l’Académie de Dijon de Voltaire, de Prosper Jolyot de Crébillon, écrivains, et de Jean-Philippe Rameau, musicien

Le 3 avril 1761, les académiciens de Dijon écoutèrent le discours de réception du Président Charles de Brosses et lui remirent « une médaille en argent aux armes de l’Académie ». Puis, « M. de Voltaire ayant fixé son séjour dans la généralité de Bourgogne, l’Académie, toujours attentive aux avantages qu’elle peut retirer de ses correspondants se proposa d’associer à ses travaux un homme d’un mérite si distingué dans la République des lettres ». Voltaire fut « nommé unanimement et par acclamation à la place d’honoraire non résidant » et on lui envoya la même médaille d’argent. Il ne vint jamais saluer ses confrères. Son diplôme, signé du Président Richard de Ruffey est déposé à la Bibliothèque municipale.

Le 22 mai 1761, les académiciens dijonnais exaucèrent les souhaits exprimés par lettre de M. Jolyot de Crébillon, de l’Académie française, et le nommèrent membre non résidant. Prosper Jolyot de Crébillon, dont le nom vient du fief de Crais-Billon à Brochon, était né le 13 janvier 1674 à Dijon. Élève des jésuites de cette ville, il connut le triomphe avec sa tragédie Rhadamiste et Zénobie en 1711. Élu à l’Académie française en 1731 au fauteuil de Racine, il écrivit en alexandrins l’éloge de son prédécesseur, Jean-François Leriget de La Faye, et devint censeur royal de la librairie, puis fut pensionné et nommé bibliothécaire du roi grâce à la marquise de Pompadour, hostile à Voltaire. Il mourut à Paris le 17 juin 1762. L’Académie exprima ses condoléances à son fils Claude et l’éloge fut prononcé par le secrétaire, l’avocat Jean-Bernard Michault, à la rentrée du 8 décembre suivant. Son buste, fut inauguré place du Premier-Mai, bien longtemps après, en 1928.

Le même jour, les académiciens répondirent aussi favorablement aux voeux écrits de de M. Rameau, « compositeur de la musique du roy », d’avoir « une place » parmi eux et le nommèrent membre honoraire. Jean-Philippe Rameau, né le 25 septembre 1683 à Dijon, était près du terme de sa vie. Son opéra-ballet Les Indes galantes est probablement son oeuvre la plus fameuse, longtemps oubliée, mais heureusement redécouverte dans la deuxième moitié du 20e siècle, comme l’ensemble de son oeuvre. Il reste le théoricien de l’harmonie classique. Son engagement contre les Lumières et l’Encyclopédie lors de la « Querelle des Bouffons » ne retint donc pas la reconnaissance de ses compatriotes. En juillet, il fit remettre à ses confrères par le Président de Brosses un exemplaire de son Code de musique pratique, ou Méthodes pour apprendre la musique, même à des aveugles, pour former la voix & l’oreille, pour la position de la main avec une mechanique des doigts sur le clavecin & l’orgue, pour l’accompagnement sur tous les instrumens qui en sont susceptibles, & pour le prélude… publié à Paris par l’imprimerie royale l’année précédente. Anobli au printemps 1764, l’Académie le félicita le 22 juin. Il donnera cette même année encore Les Boréades, mais la pièce ne sera pas représentée et il mourra le 12 septembre. Son éloge fut lu à la séance publique du 25 août 1765 par le secrétaire, le Dr Hugues Maret. En 1856, l’Académie proposa pour sujet de son concours : « Biographie de Rameau ». Le sujet fut prorogé en 1859 puis retiré, aucune contribution satisfaisante n’ayant été envoyée. En revanche, le prix 1982, « Rameau, musicien sensible et savant rigoureux » eut un succès certain ; en janvier 1983, sa remise au lauréat, M. Daniel Paquette, alors directeur du département de musicologie de l’Université de Lyon, dont le tapuscrit était accompagné de cassettes, fut le début d’une série de manifestations.

Lucien Hérard, Voltaire à Semur, Dijon, 1962, 30 p. Rééd. Françoise Colin, Dijon, 2007, 21 p., ill. Prosper Jolyot de Crébillon, Rhadamiste et Zénobie, tragédie, éd. Magali Soulatges, Montpellier, Espaces 34, 1999, 86 p., ill. Henri Giroux, "Autour de Jean-Philippe Rameau", dans Mémoires de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 117, 1963-1965, p. 87-116 ; - Jean-Claude Tertrais, Daniel Paquette, Jean-Philippe Rameau, musicien sensible et savant rigoureux, Service du film scientifique, 1987, cassette VHS 55 mn.