LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1721 ● Décès du baron de Longepierre, dramaturge et bibliophile

Hilaire-Bernard de Requeleyne, baron de Longepierre, qui a sa rue derrière les Archives départementales depuis 1831, est né le 18 octobre 1659 dans l’hôtel de Laloge, place Saint-Michel, et baptisé le lendemain dans l’église voisine. La famille a pignon sur rue à Dijon : un de ses ancêtres a été en effet vicomte-mayeur à l’extrême fin du XVIe siècle et le père de l’enfant est conseiller à la Cour des comptes de la ville. Le prénom du baptisé lui vient de son parrain, lui aussi conseiller et même trésorier de France.

Durant ses études au collège des Godrans, l’enfant se révèle vite un brin surdoué et fasciné par les langues anciennes, le grec surtout qu’il maîtrise très jeune. En 1684, âgé de 25 ans, il publie anonymement les Poésies d’Anacréon et de Sapho traduites de grec en vers français, aux presses de Pierre Emery. Son amour du grec se double, en l’occurrence, d’une certaine audace, Sapho, poétesse du VI e siècle avant Jésus-Christ est bien connue comme féministe et lesbienne.

Au moment de cette publication, Longepierre est-il déjà à Paris ? Sans doute. Il est en revanche établi qu’il a été précepteur du comte de Toulouse, bâtard de Louis XIV et de Mme de Montespan. Il l’a été aussi du duc de Chartres, futur duc d’Orléans et régent de France après 1715, dans l’entourage duquel il papillonne. Ces fonctions officielles n’empêchent pas Longepierre d’écrire alors pour le théâtre. En 1694, il donne une Médée qui obtient quelque succès au théâtre de la Comédie-Française. Saluée positivement par Voltaire, elle connut de nombreuses rééditions au XVIIIe siècle. Dans le même temps, des langues de vipères patentées autant que célèbres, comme le duc de Saint-Simon ou le cardinal Dubois, assassinent sans complexe le baron, ironisant sur sa supposée noblesse et la sécheresse de son style.

Nonobstant, se prenant au jeu, Longepierre propose en 1695 une Sésostris et en 1702 une Électre qui ne connurent même pas les honneurs de l’impression et ne furent jouées que quelques fois sans succès.

Est-ce pour se remettre de ces échecs scéniques que le Dijonnais convole ? On ne sait, mais en 1703, Longepierre, tout de même âgé de… 44 ans, épouse la fille d’un secrétaire du Roi qui, grâce à une dot de 200 000 livres, lui permet d’arrondir confortablement une fortune qui n’était déjà pas négligeable. Elle a dû, en outre, lui faciliter l’assouvissement de sa passion : hors la littérature, il était en effet bibliophile averti, à la tête d’une magnifique bibliothèque réputée déjà de son vivant, et dont les quelque 1 200 volumes reliés en maroquin rouge ou bleu marine étaient ornés, au dos et sur les plats, de l’emblème de l’ordre de la Toison d’or qui figure sur les armoiries des Requeleyne. Léguée par son propriétaire au cardinal de Noailles, archevêque de Paris et ami, la bibliothèque resta dans la famille de Noailles jusqu’au pillage de son hôtel sous la Révolution. Égarés dans la nature, les exemplaires survivants se sont toujours arrachés à prix d’or lors des ventes publiques de prestige des XIXe et XXe siècles

Personnage un peu hors norme, Hilaire-Bernard de Longepierre meurt à Paris le 30 mars 1721. Sans doute fidèle épouse et veuve éplorée, la baronne qui n’avait pas donné d’héritiers à son mari, s’éteint huit mois plus tard le 3 novembre de la même année. – MdL