LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1921 ● Décès d’Édouard Darviot, artiste peintre

Né le 19 avril 1859 à Beaune, fils d’un géomètre expert qui s’employait aussi à valoriser ses vignes, Édouard Darviot se sentit très tôt attiré par les beaux-arts, vocation peu prisée par les siens : envoyé en Allemagne pour écouler les vins paternels (1875-1879), il se passionna bien davantage pour les musées et s’offrit des cours de peinture malgré les remontrances de sa mère : « Tout cela n’est pas si indispensable que le commerce. »

Après un an sous les drapeaux (1879-1880), le jeune homme reprit le chemin des ateliers, se frotta aux techniques et intuitions d’une pléiade de peintres parisiens, et s’imprégna de chefs-d’œuvre et de paysages au cours de nombreux voyages en Europe et en Algérie. Son père se désolait de cette vie de bohème : « Toute pierre qui roule n’amasse pas mousse », mais l’artiste en devenir n’en accumula pas moins de quoi enrichir sa palette et finit enfin par se fixer. Le 25 janvier 1898, il épousa à Dijon Louise Chevignard, peintre sur porcelaine, aussi délicate et discrète qu’il était impulsif et débordant de vitalité. À leurs deux filles, il transmettra ses talents artistiques. En 1900, la famille s’installa à Dijon, où Édouard ouvrit, avec son confrère Paupion, un cours mixte de « dessin, peinture, pastel et aquarelle » et devint rapidement un portraitiste recherché.

La France pleurait alors ses provinces perdues et, lors de son volontariat à Auxonne, Édouard Darviot s’était découvert une seconde passion : l’Armée. Il enchaîna les périodes d’exercice, passa dans l’armée territoriale (1889) et prit plaisir à former les jeunes recrues sur les terrains de manœuvre de Dijon. C’est là qu’eut lieu en 1902 l’incident qui bouleversa son existence pendant plus d’une décennie. Un officier juif se permit de le brocarder devant ses hommes, qui en furent unanimement scandalisés, et le lieutenant Darviot finit par répliquer en des termes peu avisés… Un duel s’ensuivit, mais l’affaire rebondit : la hiérarchie militaire vivait alors dans la hantise des offensives du parti dreyfusard et la sanction la plus lourde tomba sur le lieutenant Darviot, qui protesta, fut révoqué, et se lança dans un combat donquichottesque pour sa réhabilitation, en vain. Mais en 1914, malgré son âge (55 ans), il s’engagea, se distingua en première ligne, fut « trahi par sa santé », démobilisé et décoré de la croix de guerre : l’honneur était enfin sauf. En 1917, il retournera au front, dans le cadre d’une mission plus paisible de peintre aux armées. Il s’éteignit quatre ans plus tard, le 21 août 1921, dans sa maison-atelier de Bussy-le-Grand. – BC

 

Bernard Chevignard, Éliane Lochot, « Édouard Darviot (1859-1921) et les sentiers de l’honneur », Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, t. 149, 2015-2016, p. 289-309.