LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1916 ● Décès de Marc Larreguy de Cirieux, poète

Le 18 novembre 1916, Marc Larreguy de Civrieux était tué à Froideterre devant Verdun, loin de la Bourgogne à laquelle aucun lieu ni événement familial de sa courte vie ne l’attachait. Et pourtant ce jeune homme, né à Sorrente le 27 février 1895, issu d’une vieille famille de l’aristocratie française, a au moins trois raisons de figurer dans ces Célébrations. Dans sa famille, il découvrit la poésie française et particulièrement celle de Lamartine dont il s’éprit avant d’avoir 16 ans. Non mobilisé lorsque éclate la Première Guerre mondiale, c’est sur les imprécations répétées de son père, qui va jusqu’à lui rappeler « Le Devoir pour la patrie » de Lamartine, que le jeune Marc s’engage. Il part pour le front le 5 juillet 1915 et en découvre aussitôt l’horreur. Le jeune officier dont un supérieur a dit « A les plus grandes qualités, mais il a un grave défaut : il pense » correspond alors abondamment avec son père. Parmi les centaines de lettres, de nombreux poèmes d’une rare véhémence contre cette guerre. Marc Larreguy de Civrieux envisage qu’un jour ses poèmes paraissent. Il écrit « trop d’autres poètes […] n’ayant aucun contact réel avec l’existence des combattants des tranchées, ils ont faussé leurs idées sous la ridicule grandiloquence de leur propre égoïsme patriotique […] Je m’attends, si ce livre me fait connaître, à avoir beaucoup d’ennemis ». Il n’en saura jamais rien : un éclat d’obus le tue à 21 ans. Dans sa musette, on ne découvrit, outre des lettres, que deux livres, écrits par des Bourguignons : Les Harmonies de Lamartine et Au-dessus de la mêlée de Romain Rolland.

Son père fit rapatrier son corps et, au prix de négociations, parvint à le faire inhumer au pied du mur soutenant le monument où reposent Alphonse de Lamartine et sa famille, exauçant ainsi son « vœu suprême ».

Quant à ses poèmes, ils furent publiés en 1922 sous le titre La Muse de sang avec une préface de Romain Rolland dont voici un extrait : « Que cette jeune victime soit pour nous le symbole de la fleur du monde fauchée – de la jeunesse de l’univers, immolée par une humanité qui délire, à ses fétiches barbares ».

Marc Larréguy de Civrieux, La Muse de sang, préf. Romain Rolland, dessin Pierre Gerbaud, Société mutuelle d’édition, 1922.