LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1916 ● Décès de L.-H. Roblin, premier député socialiste de la Nièvre

Pierre, Louis, Henri Roblin est né à Champvert le 22 juillet 1877. Il effectue de brillantes études de droit. Sa thèse de doctorat est consacrée à un important mouvement social qui a enflammé la Nièvre et le Cher entre 1880 et 1900 : la grève des bûcherons ; il étudie minutieusement cette grève et les conditions de vie de cette corporation en déclin. C’est aussi un manifeste politique en faveur du socialisme (Les bûcherons du Cher et de la Nièvre : leurs syndicats, impr. du Mouvement socialiste, 1903, 352 p.). Il est quelque temps avocat à la Cour d’Appel de Paris. Il milite dans la Fédération socialiste de la Nièvre et, en 1904, il se lance dans une fulgurante carrière politique. Le maire de Thianges vient de décéder. Roblin emporte facilement la mairie. Il est à même de comprendre le fonctionnement et les dysfonctionnements d’une mairie : il rédigera en 1909 un ouvrage très utile, qui fera longtemps référence, L’administration d’une commune rurale, 31 p. (Cahiers nivernais).

Le 24 septembre 1905, Roblin se présente dans la seconde circonscription de Nevers, pour le siège vacant depuis la mort du docteur Turigny. Face à lui, le maire de Dornes, M. Brouillet, autre candidat de gauche, et M. d’Agoult, républicain modéré. Roblin est en tête avec 4270 voix, Brouillet le suit avec 3807 voix, et d’Agoult n’obtient que 2190. Entre les deux tours, Brouillet se désiste en faveur de Roblin, « porte-parole de tous les républicains » , qui l’emporte par 6231 voix contre 2900 à d’Agoult.

Ce jeune député n’a pas que des amis. Ses adversaires lui reprochent d’abord de représenter le prolétariat alors qu’il est riche. « Il veut bien qu’on le dise intelligent, érudit, docteur en droit, etc. Mais riche ?… Allons donc ! Ce n’est pas lui, mais sa mère. » (Le Nivernais, 17 sept. 1905). Sa famille possède plusieurs fermes à Thianges, Champvert et Decize. L’année suivante, lors du renouvellement normal de l’Assemblée, Roblin est réélu, de même en 1910 et 1914. Il augmente régulièrement son score. Sa carrière parlementaire est très active. Il est membre de la commission du travail, de celle de la marine et de celle de la répression du vagabondage. Là, il peut exposer des conceptions audacieuses, révolutionnaires. Il propose une loi tendant à modifier la loi sur les tarifs postaux applicables aux journaux et écrits. Comme il fait partie d’un groupe ultra-minoritaire, ses idées ne sont pas prises en compte sur le moment, elles inspireront d’autres réformes à venir. En janvier 1909, le député Roblin intervient auprès de l’administrateur de la Bibliothèque nationale pour faire obtenir une carte de lecteur permanent à un émigré russe, très proche des milieux socialistes, un certain Vladimir Ilitch Oulianov, le futur Lénine. Il ne verra pas l’arrivée au pouvoir de son protégé ni l’application du « socialisme réel » dans la vieille Russie. Il s’est surmené. Depuis longtemps, sa santé était délicate. En 1914, il ressent les atteintes d’une grave maladie. Il subit une opération. Il ne se repose pas pour autant. Épuisé, découragé peut-être, il s’éteint à Thianges le 9 février 1916.

 

Paul Destray, Louis Henri Roblin, notice nécrologique, A.D. Nièvre cote 17 J 97 ; - Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), t. 8, PUF, 1977, p. 2873-2874 (notice Jean Jolly) ; - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, dir. Jean Maîtron, 3e partie : 1871-1914, t. 15, Ed. ouvrières, 1977, p. 70-71.