LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

1915 ● Décès de Joachim Durandeau, auteur fécond et patoisant contesté

Né à Vitteaux le 23 mai 1835, Joachim Durandeau était fils de Jacques, commerçant, et petit-fils de Jacques, franc-maçon, volontaire de 1792, décédé sur la Moskowa en 1812, dont il écrira la biographie en 1894. Enfant espiègle, il fréquenta divers établissements scolaires, école mutuelle, petit séminaire de Plombières, collège de Semur. Clerc de notaire en 1857, il fait des vers qu’il envoie aux auteurs célèbres du temps : Alphonse de Lamartine, Victor Hugo qui, en réponse à l’envoi de son recueil Les Sombres (1867), lui écrira combien il était « heureux d’être en communion avec toute cette généreuse jeunesse qui vous compte parmi ses plus brillants porte-drapeaux ». Aidé par Jean-Jacques Weiss, alors professeur à la Faculté de droit, auquel il exprimera sa gratitude lors de son décès en 1891, il est bachelier en 1861. Il monte à Paris où il passe dans plusieurs institutions et collabore à diverses publications périodiques (La Gazette illustrée, La Libre Conscience), puis crée le Journal du baccalauréat où il publie entre autres thèmes Sur le grave sujet de la finalité et de l’origine du rire. Il également fonde la Boîte à bachot qu’il devra vendre avec sa revue en 1876. L’action politique le tente. Heureux des résultats du plébiscite du 8 mai 1870 (tout en regrettant les abstentions), il est surpris par la Commune et vient se réfugier quelques mois dans sa ville natale ; à son retour, « l’aspect de Paris est affligeant » écrit-il à ses parents. S’il compose encore des œuvres de fiction (Nouvelles géorgiques, 1879, 210 p.), il s’adonne principalement à des recherches historiques, explorant dépôts publics et particuliers (il retrouvera les manuscrits de l’abbé Collon). En 1880, il atteint le 32e grade chez les Fidèles Ecossais ; il fonde la loge du Libre examen.

Un heureux héritage le conduit à Dijon d’abord, où il copie les œuvres de Piron, puis dans la maison familiale de Vitteaux en 1888, année où il fonde Le Réveil bourguignon qui paraitra jusqu’en 1912 et qui éditera beaucoup de ses très nombreux travaux d’histoire locale : Vitteaux, Saint-Thibault, Villy et Massingy, l’ouvrière-poète Antoinette Quarré, le capitaine Margeret évoqué dans ce fascicule… et ses éditions de littérature en patois bourguignon, l’un des plus remarquables et des plus riches de France selon lui : en particulier, les pièces d’Aimé Piron et le théâtre de la Mère folle, enfin, faisant suite à son Dictionnaire français bourguignon (4 vol. 1898-1904, Dijon, Sirodot), son Nouveau glossaire bourguignon à partir de 1906 (inachevé, lettres A-E seulement). Las, sa vie, décidément, n’était pas tranquille : en politique, il fut sévérement battu aux cantonales de 1889 ; et en érudition, ses connaissances furent durement combattues. Après que l’abbé Lucotte eut dénoncé Les erreurs de M. J. D., il s’opposa violemment à l’académicien dijonnais Prosper Mignard (1802-1891), lui aussi éditeur d’A. Piron et auteur d’un Vocabulaire raisonné et comparé du dialecte et du patois de la province de Bourgogne (1870), dans ses Fantaisies philologiques du savant M. Ignare ou le massacre de l’innocent patois bourguignon (1890). Durandeau regagna Paris où il mourut le 14 février 1915 et où il fut enterré au cimetière Montparnasse… mais il avait cependant institué par son testament une rente à l’université de Dijon pour la fondation d’une chaire de littérature et patois bourguignons.- MCB

Edme Huchon, « Un enfant de Vitteaux : Joachim Durandeau », Bulletin trimestriel de la Société des sciences historiques et naturelles de Semur-en-Auxois et des fouilles d’Alesia, 1965, n° 1, p. 12-22 ; - Luc Verhaeghe, « Banderie, branderie ou braverie ? Auderie ou ânerie ? Se bander ou s’ébaudir ? ou une critique de Joachim Durandeau », Annales de Bourgogne, t. 39, 1967, p. 236-240 ; - Henri Charrier, « Trois lettres inédites de Victor Hugo », ibid., t. 6, 1934, p. 174-176 ; et « Quelques lettres de 1870-1871 », ibid., t. 17, 1945, p. 44-48.