LES CÉLÉBRATIONS DE BOURGOGNE

-1962 ● Décès de Gaston Bachelard

Né le 27 juin 1884 à Bar-sur-Aube, dans une famille d’artisans cordonniers, Gaston Bachelard restera marqué par ce site champenois blotti au bord d’une rivière. Un de ses plus grands livres, L’eau et les rêves, en sera fortement imprégné. Après des études au collège de Bar-sur-Aube, il devint répétiteur au collège de Sézanne en 1902-1903, puis surnuméraire aux Postes et Télégraphes de Remiremont. Après son service militaire à Pont-à-Mousson, le voilà de nouveau en fonction postale, à Paris cette fois, tout en préparant une licence de mathématiques obtenue en 1912 : exigence de rigueur fondamentale. Il échoua de peu au concours d’élèves ingénieurs des télégraphes. Le 8 juillet 1914, il épousait Jeanne Rossi, une jeune institutrice de son pays ; moins d’un mois plus tard, il était mobilisé et il restera 38 mois sur le front. Il parlera très peu de cette expérience de la guerre. En 1919, il réintégra le collège de Bar-sur-Aube comme professeur de physique et de chimie. En 1920, son épouse mourut d’une affection pulmonaire.

La mélancolie pénétra dans la substance intime de son œuvre. Désormais, son orientation philosophique sera irrémédiable. Agrégé de philosophie en 1922, il enseigna cette discipline à Bar-sur-Aube tout en poursuivant son enseignement scientifique. En 1927, il soutint une thèse d’épistémologie : Essai sur la connaissance approchée. En 1930, il fut nommé professeur à la Faculté des lettres de Dijon. En 1938, il publia un essai d’un intérêt capital : La formation de l’esprit scientifique où il se livre à une « psychanalyse de la connaissance » : l’imagination y est passée au crible, en tant qu’obstacle à la quête de l’objectivité scientifique. Toutefois, cette même année, il comprit soudainement que le statut de l’imagination et de l’image pouvait être envisagé non plus comme un obstacle mais comme un foyer de rêverie et de dynamisme poétique. Paraît alors La psychanalyse du feu, qui incarne un nouveau départ. Désormais l’œuvre bachelardienne se déploiera sur deux plan distincts : épistémologie scientifique, poétique de l’imagination. Sur ce second versant vont paraître quatre livre essentiels, de 1942 à 1948, consacrés successivement à l’Eau, à l’Air et à la Terre : comment les images fondamentales issues des Éléments cosmiques premiers viennent structurer non seulement notre espace imaginaire, mais aussi celui de la littérature et de la poésie. C’est certainement la partie la plus accessible, la plus connue, la plus suggestive de son œuvre. En 1940, Bachelard fut appelé à la chaire d’histoire et de philosophie des sciences de la Sorbonne. Sa carrière d’enseignant s’acheva en 1955, année où il fut élu à l’Académie des sciences morales et politiques. La dernière partie de son œuvre est entièrement consacrée à une exploration, sans cesse élargie, de l’imagination comme rapport fondamental au monde, jalonnée par trois chefs-d’œuvre : La poétique de l’espace, la poétique de la rêverie, et, pour finir, La flamme d’une chandelle, qui est en quelque sorte son testament spirituel. Grand Prix national des Lettres en 1961, Bachelard mourut à Paris le 16 octobre 1962. Il fut enterré à Bar-sur-Aube, auprès de son épouse, et où leur fille Suzanne, membre d’honneur de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, les a rejoints en 2007. Une destinée atypique, une œuvre marquée par une dualité passionnante et féconde, et un style hors pair.

Gaston Bachelard, l'homme du poème et du théorème : actes du colloque du centenaire, Dijon 1984, organisé par le Centre de recherche sur l'image, le symbole et le mythe, par le Département de philosophie de l'Université de Bourgogne, par l'Institut Jean-Baptiste Dumay, par la Société bourguignonne de philosophie, Ed. universitaires de Dijon, 1986, 347 p. ; - Jean Libis, Gaston Bachelard ou La solitude inspirée, Berg international éd., 2007, 166 p.